Oser la gratuité des transports en commun

Voici de quoi apaiser les débats idéologiques vifs sur le sujet.

Extrait du MOOC Mon village, ma ville en transition, animé par le CERDD (Centre de Ressources du Développement Durable)

cerdd.org

Le 1er septembre 2018, l’agglomération dunkerquoise a réalisé un coup double inédit en matière de mobilité : tout en dévoilant un réseau de bus entièrement restructuré et doté de plusieurs lignes à haut niveau de service, elle a tiré un trait sur les recettes de vente de tickets au profit d’une gratuité totale, sans critères et sans contrainte.Avec ses 200 000 habitants, Dunkerque est la plus grande agglomération de France à avoir opté pour une politique publique de gratuité des transports. Pourquoi ce choix ?A l’origine, cette promesse électorale se voulait d’abord une mesure sociale. Il s’agissait de redonner de la mobilité aux populations qui n’en avaient pas les moyens : jeunes, personnes âgées, précaires ou isolées… La tarification sociale était très poussée à Dunkerque et pourtant, les bus étaient vides. Les gens qui avaient droit aux prix les plus bas ne faisaient pas valoir leurs droits.La gratuité constitue aussi un moyen d’agir sur la pollution de l’air. Si les gens se mettent à prendre le bus plutôt que leur voiture, la pollution de l’air baisse mécanique-ment. Avec un impact positif sur la santé des habitants. De même, les émissions de gaz à effet de serre liées aux transports diminuent, ce qui contribue aux objectifs duPlan Climat du territoire.La gratuité transforme l’image des transports en commun. Prendre le bus n’est plus assimilé à une contrainte, cela devient un acte délibéré, un geste de liberté qui plaît également beaucoup aux catégories sociales supérieures.L’une de nos hypothèses de travail, à l’agence d’urbanisme de Dunkerque, c’est que la gratuité renforce l’attractivité du centre-ville. Le maire de Châteauroux, où les bus sont gratuits depuis 2001, en est pour sa part persuadé : les villes moyennes, dont les centres sont en perte de vitesse, ont gros à gagner à adopter la gratuité.

Comme toute politique publique, la gratuité a un coût. A Dunkerque, les recettes de billettique représentaient 4 millions et demi d’euros par an ; elles couvraient seule-ment 10% du coût global du réseau. Et Dunkerque n’est pas un cas à part. Dans de nombreuses villes, le transport public est largement subventionné. Voilà pourquoi les élus dunkerquois se sont dit : « Mieux vaut faire rouler des bus pleins gratuits que des bus vides payants. » L’objectif est de parvenir à doubler la fréquentation dans les années qui viennent. Sur la période allant du 1er janvier au 12 mai 2019, on observe déjà une hausse im-portante de la fréquentation : 65 % en plus la semaine et 125 % les week-ends.Une étude qualitative au long cours menée par les chercheurs de l’association VIGS vient de livrer ses premiers résultats. On peut dire qu’avec la gratuité, les habitants ont changé leurs habitudes de mobilité : • 50 % des usagers du bus déclarent utiliser « plus souvent » ou « beaucoup plus souvent » ce moyen de transport.• 80 % des nouveaux usagers désignent la gratuité comme le principal élément dé-clencheur de leur changement d’habitude.Grande révélation de l’étude : le fait que 48 % des nouveaux usagers du bus pren-nent moins leur voiture. Les piétons et les cyclistes sont beaucoup moins influencés et changent moins leurs habitudes. Voilà qui met un terme aux débats idéologiques vifs sur le sujet. Si vous souhaitez en savoir plus sur la gratuité des transports en commun, rendez-vous sur le site de l’Observatoire des villes du transport gratuit, piloté par l’Agence d’urbanisme de Dunkerque et l’association de chercheurs VIGS, dans l’objectif d’améliorer l’état des connaissances sur la gratuité et ses impacts, et de contribuer à enrichir les débats sur cette politique publique qui intéresse de plus en plus d’élus – et de futurs élus !

Vanessa Delevoye, journaliste rédactrice en chef d’Urbis Le Mag, AGUR

About the Author: Christophe Orliac