Des communs au sens propre

Un soir de septembre 1983, à Alanya, sur la côte turque. Une foule se presse dans le café du port : pratiquement tous les pêcheurs du village s’y retrouvent… Il n’y a même plus de place à l’intérieur ! Que se passe-t-il ?

Dans ce village, les pêcheurs avaient un gros problème : ils pêchaient trop, tout le temps, et se disputaient les meilleurs endroits pour poser leurs filets… Résultat : le poisson se faisait rare, et l’activité rapportait de moins en moins.

En économie, quand une ressource (comme une zone de pêche par exemple) n’appartient à personne, on dit que c’est un « commun » . Et pendant longtemps, on pensait que c’était forcément compliqué à gérer.

Un biologiste, Garret Hardin, a même parlé de « la tragédie des communs » : pour lui, leur gestion ne peut que conduire au gaspillage et à la discorde. Seule solution : il faut que la ressource appartienne à quelqu’un (on la « privatise »), ou à la puissance publique (on la « nationalise »). Pas le choix, c’est l’un ou l’autre !

Seulement voilà, les pêcheurs d’Alanya ont réussi à faire autrement. D’abord, ils ont listé tous les endroits où pêcher : des lieux suffisamment espacés pour laisser des zones où les poissons sont tranquilles et peuvent se reproduire. Malin…

Ensuite, ils ont instauré un système de tirage au sort : chaque bateau se voit ainsi attribuer sa zone de pêche pour une partie de la saison. Résultat : les disputes pour exploiter les endroits les plus poissonneux ont disparu ! Et quand il y en a un qui oublie les règles, on se retrouve tous au café, comme ce soir-là, pour gentiment les lui rappeler…

Ce système a été étudié par une économiste, Elinor Ostrom. Elle a parcouru le monde et observé que, bien souvent, « l’autogestion » des communs fonctionne, et permet d’exploiter une ressource de manière durable, pour le bénéfice de tous.
Il suffit qu’on se mette d’accord sur les règles et les sanctions. Ainsi, finie la tragédie !

A Nîmes-en-Transition, on préfère dire « commun » plutôt que « bien commun » pour bien marquer que ce n’est pas à vendre*.

source : Économitips

*Voir aussi : https://balises.bpi.fr/economie/biens-communs–de-quoi-parle-t-on

About the Author: Christophe Orliac