La lecture détaillée des rapports des organisations internationales est toujours un exercice intéressant (et même salutaire). Pour autant on peut parfois être surpris d’y trouver des confirmations scientifiques de positions que l’on pensait alors seulement d’ordre politique, voire politicien…
C’est le cas d’un rapport commun publié en 2022 par le GIEC et l’IPBES (équivalent du GIEC pour la biodiversité) : Scientific outcome of the IPBES-IPCC co-sponsored workshop on biodiversity and climate change. Un graphique, dont je vous livre ici une version traduite en français, a retenu mon attention. A première vue on y voit des courbes, déjà vues mille fois : si l’on prend les bonnes décisions, les choses vont à peu près bien se passer, sinon ce sera la dégringolade.
Mais ce graphique dit bien plus que ça ! Déjà, il parle aussi du social… et d’une façon plutôt intéressante : en effet, en (1), on voit la prise en compte simultanée des « stress » d’ordre biophysiques et ceux d’ordre sociaux. Les deux flèches sont même entremêlées pour bien signifier que ces différentes pressions sont liées et interdépendantes. En (2) on nous propose une symbolisation plaçant les stress sociaux à l’intérieur et les stress biophysiques à l’extérieur. On en revient alors à une représentation que certain·es connaissent bien, celle du Donut. L’anneau vert nommé ici « espace de résilience » correspond à ce que Kate Raworth désigne comme « un espace juste et sûr pour l’humanité« . Déjà, la référence est réjouissante venant d’organisations intergouvernementales. Et, bien sûr on retrouve aussi la problématique posée par les limites* planétaires (* ou « frontières » = ‘boundaries‘).
Allons vers le point (3) . On y voit que si les différents « stress » sont traités isolément, si des réponses, même « bonnes » sont apportées indépendamment les unes des autres, en silo, alors la situation continuera à se dégrader, et nous mènera vers (6) tout en bas, avec un « donut » tout maigrichon grignoté à la fois de l’intérieur et de l’extérieur, et donc un espace de vie peu sûr, peu résilient face à des risques accrus.
A l’inverse , au point (4) on voit un tresse serrée entre les réponses, et alors on va vers le mieux. La bonne voie à suivre est donc, ce sont des scientifiques de tous les pays qui sont d’accord sur ce point et qui l’affirment ici, la bonne voie est donc la prise en compte de l’ensemble des problématiques du système et la mise en œuvre de réponses systémiques. Au point (5) on nous met même en garde : dès que le lien intime entre les différentes réponses se relâche, même sur le long terme, alors le système se dégrade à nouveau.
Non, Monsieur, c’est vous qui êtes dans une posture politique !
Évidemment, ce discours nous le connaissons bien. C’est même un peu l’ADN de Nîmes-en-transition que d’affirmer que la bonne feuille de route est à la fois écologique, sociale et démocratique. Mais ce que ce graphique apporte de « nouveau » c’est que cette posture est validée scientifiquement et fait l’objet d’un large consensus. Dans nos parcours militants, en défendant ces positions, nous avons toutes et tous pu parfois avoir au fond de nous, le sentiment d’être alors dans une posture « politique » (même au sens gestion de la cité). Et nos contradicteurs n’ont pas manqué de nous opposer cette politisation du débat, arguant que nous étions pris dans les filets de dogmes idéologiques, otages d’un clan, utopistes décérébrés, etc.
Le GIEC et l’IPBES viennent là nous suggérer une autre réponse : « Non, Monsieur, nous ne sommes pas là dans une posture politique, ce que nous affirmons, et depuis longtemps, est validé sci-en-ti-fi-que-ment ! Et si vous refusez d’écouter ce que nous dit la science, surtout quand elle fait comme ici consensus au plus haut niveau, au prétexte qu’il y a d’autres priorités, d’autres analyses, alors, Monsieur, c’est vous qui êtes dans une posture politique ! »
Merci GIEC. Merci IPBES !